Our analysis of the art market

NOTRE ANALYSE DU MARCHÉ

Galvanisé par des découvertes majeures, le marché de la peinture ancienne garde tout son dynamisme et sa solidité, comme l’attestent les records d’enchères enregistrés depuis la fin du confinement. Il a en effet retrouvé et même dépassé son niveau de 2019, enregistrant en 2021 une hausse de 19%. Des œuvres que nous avons expertisées ont obtenu de très belles adjudications, tandis que d’autres restent très accessibles, contribuant au dynamisme du marché. Moyennant quelques dizaines de milliers d’euros, les amateurs peuvent se permettre d’enchérir contre des institutions et acquérir ainsi une œuvre de qualité muséale.

Au-delà des records d’enchères, notre plus belle récompense est aussi l’émotion de la redécouverte d’un tableau, de son histoire, et l’enrichissement du patrimoine français et de grandes collections.

Bernhard STRIGEL (Memmingen 1460 - 1528), Ange thuriféraire vêtu d'une tunique jaune 

En février 2022, L’Ange thuriféraire vêtu d’une tunique jaune, un rare panneau de Bernhard Strigel, est proposé aux enchères par la maison de vente Artpaugée à Toulouse. Expertisé et redécouvert par Philippine Motais de Narbonne, ce petit panneau est en réalité le pendant de L’Ange thuriféraire vêtu d’une robe de pourpre, conservé au Louvre Abu Dhabi : ils proviennent tous deux du même retable réalisé en 1521-1522 pour l’église Notre-Dame de Memmingen. Adjugé près de 3,5 millions d’euros, ce petit panneau est aujourd’hui exposé à côté de son pendant. L’expertise de cette œuvre a permis un résultat de vente magnifique, mais aussi et surtout la découverte d’un chef-d’œuvre exceptionnel, ajout précieux dans le corpus de l’artiste.

Jean-Honoré FRAGONARD (Grasse 1732 – Paris 1806), Un philosophe lisant

Autre très belle découverte de notre bureau, celle du Philosophe lisant de Fragonard : accroché depuis plusieurs générations dans un appartement en Champagne, ce tableau avait perdu son attribution et n’attirait plus les regards. A l’occasion d’un partage de succession, Maître Petit en envoie la photo à Stéphane Pinta. Celui-ci a alors une intuition fulgurante, qui se révèlera exacte.
Notre tableau est très probablement la première version d’une composition très recherchée alors, peinte à l’apogée de la carrière de Jean-Honoré Fragonard. Adjugée près de 7,7 millions d’euros pour une collection privée française, cette œuvre établit un nouveau record pour l’artiste et se révèle après deux cent ans d’oubli, enrichissant ainsi le corpus de Fragonard.

Les achats des musées

Les musées sont un moteur essentiel au dynamisme du marché de l’art ancien. Les musées français avec le Louvre au premier plan, mais aussi les musées anglais et surtout américains, sont l’une des forces principales de ce marché. Avec le développement spectaculaire du tourisme culturel au cours des dernières décennies, le nombre de musées dans le monde a fortement augmenté, passant de 22 000 en 1975 à 95 000 en 2021. Comme pour le Musée Carnavalet ou l’Hôtel de la Marine, les réouvertures et inaugurations de musées entièrement - ou en partie - dédiés à la peinture ancienne se multiplient. Ces institutions ont une politique active d’achats de tableaux afin d’enrichir leurs collections.  

Le pouvoir du numérique

La rapidité de la diffusion de l’information numérique, ainsi que l’extrême précision des outils digitaux ont suscité un engouement certain pour notre discipline. Les très beaux résultats enregistrés en France depuis 2019 témoignent des répercussions de la bonne diffusion d’un travail d’expertise de qualité. Il est désormais possible en organisant une vente en dehors des grandes capitales - à Toulouse, à Dijon, à Senlis, à Épernay – d’y attirer les plus grands collectionneurs et les musées les plus importants. Le 30 novembre 2019, dans l’hôtel des ventes de Maître Cortot à Dijon, nous avons vu l’un des plus grands musées du monde, le Metropolitan Museum de New York, enchérir et acquérir la Vierge à l’Enfant du Maître de Vissy-Brod, que nous avions identifiée, pour 6,2 millions d’euros. 

Cette accessibilité de l’information par le numérique a également engendré un phénomène jusqu’alors inédit : l’acquisition d’une œuvre motivée par la parole de l’expert et non par un examen direct de l’œuvre. Ainsi, le 16 juin 2020, à l’hôtel Drouot dans une vente de la maison de ventes Daguerre un tableau de Jusepe de Ribera inédit, inconnu des spécialistes, que nous avons mis au jour, a été adjugé près de 2 millions d’euros sans qu’aucun enchérisseur n’ait vu le tableau avant sa mise aux enchères. Les photographies de très haute définition, vidéos, dossier complet de présentation de l’œuvre, rapport de condition augmenté, etc…, ont été déterminants pour porter les enchères.