Estimation : 4 000 000 / 6 000 000 €

Peinture à l’œuf et fond d’or sur panneau de peuplier

hauteur : 25,8 cm - Largueur : 20,3 cm

Adjudication : 24 180 000 €

Vente du dimanche 27 octobre 2019 à Senlis par Maître Le Coënt, maison de ventes Actéon.

 

Considéré comme une simple icône familiale par les anciens propriétaires, ce petit panneau a été découvert par maître Philomène Wolf : à l’occasion d’un inventaire dans une maison près de Compiègne, elle est attirée par cette composition sur fond d’or, accrochée au mur de la cuisine ! Il s’agit en réalité d’une œuvre inédite de Cimabue, peintre primitif mythique dont on ne connaît que très peu la vie, mais dont les œuvres et l’apport à la peinture occidentale sont fondamentaux. 

 

Dans ce Christ moqué, on voit déjà les recherches de Cimabue dans le modelé des draperies ainsi que dans la perspective, encore hésitante mais qui préfigure les réalisations de Giotto, son élève. Cet incroyable document pour l’histoire de l’art vient s’ajouter à un corpus très restreint d’une dizaine d’œuvres seulement. Il s’agit de l’un des huit panneaux qui composaient un diptyque aujourd’hui perdu, mais donton connaît deux autres éléments : Madone à l’Enfant au trône (Londres, National Gallery) et La Flagellation (New York, Frick Collection). Un marchand aurait découpé et dispersé l’ensemble au XIXème siècle afin d’en obtenir le meilleur prix....

Les témoins des siècles passés

On connaît la disposition du Christ moqué et de La Flagellation, côte à côte, par les traces au revers d’insectes xylophages, incroyables témoins des siècles passés.

le huitième tableau ancien le plus cher au monde

C’est le premier tableau de Cimabue à affronter le feu des enchères : il s’est envolé pour six fois son estimation basse, la bataille entre collectionneurs et institutions permettant ainsi de donner une valeur marchande à une œuvre de Cimabue. Il devient le huitième tableau ancien le plus cher au monde, et le tableau primitif le plus cher jamais vendu aux enchères.

Notice de l'œuvre

La vie de ce peintre florentin, premier véritable grand créateur de l’art pictural toscan, prémisse de l’art occidental à la fin du XIIIe siècle, n’est que très peu documentée. Considéré comme le maître de Giotto à Florence et émule du jeune siennois Duccio, Cimabue fut loué au long des siècles, depuis son contemporain Dante jusqu’à Villani, Boccace, Ghiberti et Vasari aux XIVe, XVe et XVIe siècles. En 1272 il se trouve à Rome où il est cité comme témoin dans un acte notarié ; on sait également qu’il reçoit de la ville de Pise en 1301 avant d’y mourir l’année suivante, la commande d’un retable (perdu) pour l’église de l’hôpital Santa Chiara et qu’il exécute en mosaïque la figure de saint Jean pour la coupole de la cathédrale. Ses héritiers habitent Fiesole. On ne lui connaît aucune œuvre signée. Bien que le corpus de ses œuvres et leur datation aient fait l’objet de polémiques entre historiens, on s’accorde généralement à lui reconnaître une dizaine d’œuvres sûres, exécutées sur bois, à fresque ou en mosaïque dont Luciano Bellosi en 1998 a dressé la chronologie dans l’importante monographie qu’il lui a consacrée, chronologie reprise en 2011 par Dillian Gordon : Trois Maestà de grand format ou Vierge et l’Enfant en trône-pour Pise, église San Francesco (Paris, Musée du Louvre), vers 1280 - pour Florence, église Santa Trinità (Florence,Offices) - pour Bologne, église Santa Maria dei Servi.

Les fresques du chœur, de la voûte centrale et du transept droit, vers 1277-80 pour Assise, église supérieure de la Basilique San Francesco. Deux Crucifix monumentaux -à Arezzo, église San Domenico, vers 1260 - à Florence, église Santa Croce, peint avant les fresques d’Assise. Une mosaïque à la cathédrale de Pise, Saint Jean déjà citée, en 1301-1302. Hormis le Crucifix d’Arezzo peint pour les dominicains, Cimabue a essentiellement collaboré avec les franciscains. L'exceptionnelle découverte du Christ moqué permet de poursuivre la reconstitution de l'unique œuvre de dévotion de faibles dimensions que l'on a pu récemment ajouter au catalogue des œuvres de Cimabue et que deux autres scènes, la Flagellation du Christ (acquisepar la Frick Collectionde New York en 1950) et la Madone et l’Enfant en trône entre deux anges (acquise en 2000 par la National Gallery de Londres NG. 6583) ont rejointe. C’est à Dillian Gordon (2011) que l’on doit l’étude exhaustive de ces deux premiers tableaux et la proposition de reconstitution de l’œuvre à laquelle ils ont appartenu, que vient très heureusement de rejoindre ce nouveau panneau. Avant leur entrée respective dans ces musées, ces deux tableaux étaient conservés dans des collections particulières. Pour la Madone, nous savons qu’elle a probablement été acquise par les barons Gooch entre 1850 et 1933 et qu’elle a peut-être appartenu auparavant à la collection Francis Douce (1757-1834) par l’intermédiaire de Carlo Lasinio le marchand, collectionneur et conservateur du Campo Santo de Pise. En 2000 le tableau a fait l’objet d’une transaction privée et est entré définitivement à la National Gallery de Londres (cf. Gordon,p.38, n.38). La Flagellation a été acquise en 1950 auprès de la Galerie Knoedler à Paris après avoir été présentée chez les marchands parisiens G. Rolla puis E. Moratilla (Cf . J. H.Stubblebine, Vol. 1 p.128) Quant à notre panneau, on ne connaît ni la date ni le lieu de son acquisition par la famille des actuels propriétaires qui le considéraient comme une icône.

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